Je dédie ce billet à Renée et Dany, qui connaissent ou ont connu cette vie tumultueuse ………
Oui, tout va bien.
Il fait chaud, nous plafonnons à une trentaine de degrés, nous sommes en plein saison des pluies, ce qui veut dire que, pour un grand soleil le matin, progressivement le temps se couvre, l’air devient de plus en plus lourd et étouffant, les grillons et les cigales s’en donnent à cœur joie, tu vas te baigner, mais même la mer est trop chaude, le ciel s’assombrit progressivement, de lourd nuages noirs s’amoncellent à l’horizon, là-bas, vers l’Afrique, et là-bas plus au Sud.
Enfin, quand on se sent comme un poisson rouge hors de son bocal, enfin les premiers coups de tonnerre sont les bienvenus. Là, tu tends l’oreille, et tu regardes le ciel, cherches les éclairs. Ca vient du sud ou de l’est ? pas bon, il va pleuvoir sur la ville, à 17 km, et pas chez nous. Nord ou ouest ?
Oui……………… et enfin, des cataractes se déversent sur nous, les portes claquent, vite, rentrer les coussins des fauteuils sur la terrasse, fermer les volets, apprécier le vent qui fait voler tous les papiers sur le bureau, savourer la fraîcheur toute relative mais bienvenue après la touffeur des heures précédentes…..
Et là, tu découvres pleinement les charmes – nouveaux pour toi – de la vie dans le nord de l’ile. Tu as vécu deux ans dans un pays de sable et de poussière, avec à l’infini des cactus et des épineux, 10 jours de petite pluie par an. Ici, tu vis maintenant dans un monde de cascades déferlant du ciel, les pieds dans la gadoue, le jardin inondé, la pluie qui déferle de l’escalier
. La journée s’achève, tu fermes ton bureau, l’hôtel, tu prends ton parapluie – nouveau, ça aussi, - tu enlèves tes tongs – tu as découvert que les tongs mouillées se transforment soudainement en un piège enduit de savon noir …., tu enroules ta grande jupe provençale (ah, la jupe provençale, j’en rêvais, lors de mon bref séjour à Arles, mais merde entre 60 et 80€, pour un bout de coton rouge parsemé de dessins d’olives et de tournesols, avec juste un élastique à la taille, chérot quand même… et puis un jour, il y a deux ou trois mois, en faisant le marché en ville, j’ai découvert à la fripe, LA jupe, la même ! je pile, gare la voiture en vitesse, me précipite :
» - Otsino –combien ? –
- 20 000 -
- Francs ?
Les marchands parlent général en Francs, mais il vaut mieux faire préciser …
- Ya – oui
Tu tends tes deux billets de 2000 Ariary, tu ne discutes même pas le prix, et tu repars ravie.
(oui, ici, on a deux monnaies : la monnaie officielle, l’ariary, qui vaut 5 fois moins cher que l’ancienne monnaie, le franc malgache, dévalué en 2002, mais toujours utilisé, à tel point que sur nos billets, figurent les deux valeurs. Sisi regardez bien le billet, en haut à droite, sous Ariary 1000 :
J’en étais où, avant cette digression vestimentaire ?
Ah oui, donc tu enroules autour de ta taille ta grande jupe provençale à la grande joie de tes gardiens qui surveillent ces préparatifs d’un air plus qu’amusé, et tu te lances bravement dans ce qu’on appelle une tempête en France et qui, ici, n’est que de la pluie. Tu batailles avec ton parapluie. Le vent sournois s’engouffre sous les baleines et les retourne, ton pépin ne sert plus à rien, si ce n’est qu’à t’encombrer, mais tu n’as pas envie de redescendre l’escalier, désenrouler ta jupe, rouvrir la porte de l’hôtel pour remettre le fichu pépin en place. Alors tu continues, tu franchis les 80 mètres qui te séparent de ta maison battue par les vents, là-haut sur son promontoire, avec difficulté, car entre le pépin retourné, ton panier qui vole joyeusement au vent et ton chien qui s’enroule autour de tes jambes, ravi de ce nouveau jeu, tu avances péniblement, et enfin tu arrives, trempée…..
Tu te dépêche de poser tes tongs en lieu sûr, hors de portée des petits crocs pointus de Pin’s, tu attrapes la serpillère pour enlever immédiatement toute trace de boue du sol bien ciré le matin même par ta femme de ménage, suivie toujours par ton chien ravi, qui repose des empreintes de marguerites sur celles que tu viens de faire disparaitre, tu files sous la douche – tu en profites pour écraser sauvagement d’un grand coup de la savate placée stratégiquement sous la douche à cet effet , l’énorme mille pattes – 20 cm de long, épais comme le petit doigt, avec une carapace qui fait crac sous la savate, tu ramasses le cadavre et vas le balancer dans le jardin où les fourmi rouges vont en faire leur festin, tu retournes prendre la douche bienvenue, en surveillant les alentours, prête à pousser le hurlement qui va faire jaillir l’homme qui, lui, a déjà pris sa douche et s’est déjà pieuté avec un film, de sous la moustiquaire « là, une araignée, pleine de pattes ! »
A l’instar des mille pattes, les araignées, ici, sont monstrueuses (j’ai toujours tendance en voyant les insectes monstrueux qui peuplent notre belle région à penser à cette BD de Tintin ou un astéroïde va se jeter en pleine mer et tout y pousse dans des proportions démesurées : les pommes comme des pastèques, les araignées plus grosses qu’un homme…) . Nous en avons plusieurs sortes : l’araignée de course, grosse, velue, ronde, qui file à la vitesse de l’éclair, celle qu’on n’arrive pas à tuer, et qui me fait coucher avec l’angoisse de la retrouver sous mon oreiller ; celle tout aussi énorme, noire, avec une magnifique raie jaune sur les côtés, qui court moins vite, et qui a la spécialité de se montrer quand je plonge – avec précautions – la main dans la sobika (petite panière ronde en osier, de la forme d’un cache pot) à sous vêtements, ou qui apparait quand je sors ruisselante de la douche, et donc dans l’impossibilité de courir me réfugier à l’autre bout du bungalow en attendant l’homme à la savate salvatrice – ben oui, essayez donc de courir, vous, avec les pieds mouillés sur un sol en béton ciré….
Ce menu cérémonial achevé, tu te jettes enfin sous la moustiquaire à ton tour, te relèves pour chasser 4 ou 5 sauterelles qui sont venues se coucher en même temps que toi et qui ont décidé de partager ta lecture, te recouches, te relèves pour aller récupérer la lotion anti-moustiques afin de t’en enduire, préventivement, 3 ou 4 de ces saletés ayant profité de ta chasse à la sauterelle pour à leur tour pénétrer sous la tente, prends ton bouquin, et tends l’oreille pour écouter le bruit des scarabées qui vont s’écraser en grésillant sur la lampe, le bruit de tambourin de la pluie sur le toit, le froissement des branches malmenées par le vent, le grondement de la mer en dessous, je ne mentionnerai pas la galopade des rats sur le même toit, le cri des lémuriens dans la forêt proche, le hou hou des chouettes et tu t’endors enfin tranquillement.
Pour te réveiller en sursaut au milieu de la nuit, le chien grogne, (toi tu dors toutes écoutilles ouvertes, pour bénéficier du moindre courant d’air et tu as toujours l’appréhension du cambrioleur – hypothétique, mais enfin …) .- tu regardes l’heure, il est 4h30, le jour se lève et tu découvres une poule au milieu de ta chambre, qui a amené ses poussins picorer dans la gamelle du chien. Ce dernier n’est pas partageur, même si la gamelle est envahie de fourmis rouges – tans pis pour toi, mon vieux, fallait finir tes croquettes.
S’ensuit une furieuse galopade du monstre, qui dérape sur le sol toujours aussi bien ciré, la poule qui s’enfuit en poussant des caquètements indignés, suivie par sa marmaille piaillante….
Entre temps, il est 5 heures, ta voisine Liliane se réveille à son tour, entreprend de préparer la pitance sa propre marmaille hurlante, tout en caquetant aussi fort que la poule. Le chien, bien réveillé, entreprend de faire prendre l’air au balai qu’il est allé chercher dans la salle de bains, le promène joyeusement autour de la chambre, en cognant le manche sur les pieds de la table, des fauteuils, du lit, passe sous le lit – clang clang le balai -, oublie qu’il a grandi, se relève, se cogne la tête au sommier – paf !- te faisant faire un bond, ressort avec son balai qu’il va maintenant cogner sur les fauteuils de la terrasse, abandonne le balai pour aller chasser les poules chez Liliane, qui le chasse, en hurlant Pin’ssssssssssssssssssssssssssssss.
Tu es bien réveillée, les arbres gouttent doucement, la mer murmure tout aussi doucement, un nuage s’effiloche sur Nosy Komba,
Tu t’étires en regardant l’horizon tout bleu et mauve,
les premiers bateaux commencent la traversée vers Nosy Be, une nouvelle journée commence………
Tout va bien ………….